La boîte à outils de la CSUI-Afrique sur la ZLECAf fournit des guides étape par étape, des modèles de plaidoyer et des informations stratégiques pour aider les syndicats à s’engager dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cet article met en évidence les possibilités de participation des syndicats aux comités nationaux de mise en œuvre (CNM) de la ZLECAf, qui constituent un point d’entrée essentiel pour intégrer la voix et les priorités des travailleurs dans l’accord de libre-échange continental.
Les syndicats comprennent les possibilités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cependant, nous savons également que les possibilités seules ne suffisent pas à garantir la justice commerciale. Les travailleurs sont confrontés à des risques réels dans le cadre de la ZLECAf, allant des pertes d’emploi potentielles dans les secteurs vulnérables à l’exclusion persistante des travailleurs informels. Les politiques sensibles au genre restent insuffisantes et de nombreux pays sont toujours confrontés à des infrastructures faibles, à un environnement politique instable et à une réglementation fragmentée. Sans protections solides, la libéralisation du commerce pourrait nuire aux normes du travail plutôt que de les améliorer.
La justice commerciale exige un engagement stratégique et organisé par le biais de mécanismes formels de dialogue social. La CSON-Afrique et ses affiliés exigent de tels mécanismes afin de promouvoir une ZLECAf inclusive et durable dans tous les pays membres. Cette demande repose sur deux notions: premièrement, les deux tiers des négociations se déroulent au niveau national, où les personnes les plus touchées par les politiques peuvent influencer leur orientation; deuxièmement, une action syndicale efficace et le renforcement des connaissances doivent être ancrés dans le contexte local et dans la compréhension des enjeux locaux et des acteurs influents.
Les comités nationaux de mise en œuvre (CNM) de la ZLECAf constituent le point d’entrée stratégique pour les syndicats qui militent pour que la voix et les priorités des travailleurs soient au cœur de la mise en œuvre.
Source: LRS, 2021, Les syndicats et le commerce: guide sur la ZLECAf
Que sont les comités nationaux de mise en œuvre?
Les CNM ont été créés par une décision de l’Assemblée de l’Union africaine en 2018 afin de faciliter la mise en œuvre efficace et coordonnée de la ZLECAf aux niveaux national et régional. Au moins 19 pays ont créé des CNI, notamment la Namibie, le Ghana, le Nigeria, la Tunisie, le Kenya, la Côte d’Ivoire et le Rwanda.
Les responsabilités des CNI
- Superviser la mise en œuvre de l’accord ZLECAf et des stratégies nationales et régionales.
- Intégrer les considérations relatives au genre et à la jeunesse dans la mise en œuvre des stratégies.
- Soutenir la formulation des positions des pays dans les négociations commerciales.
- Gérer les risques liés à la mise en œuvre des stratégies.
- Élaborer des plans de travail, des budgets et des rapports périodiques.
- Sensibiliser et collaborer avec toutes les parties prenantes.
- Suivre et évaluer les politiques et les projets soutenant la mise en œuvre de la ZLECAf.
- Conseiller et faire pression sur le gouvernement en matière de réforme des politiques et d’intégration des instruments de la ZLECAf et des instruments complémentaires dans les structures existantes afin de mettre en œuvre la politique commerciale et de développement.
Les CNI doivent inclure diverses parties prenantes, notamment les ministères, les départements et les agences gouvernementaux, les entreprises, les universités, la société civile et les syndicats. Les ministères concernés ou les secrétariats désignés dirigent les travaux techniques des CNI, avec le soutien de groupes de travail qui supervisent la mise en œuvre des stratégies nationales et régionales de la ZLECAf.
« La mise en œuvre sur le terrain est essentielle pour répondre aux attentes de la ZLECAf… Cela nécessite la création d’entités nationales de la ZLECAf composées d’un large éventail de membres reflétant la diversité des parties prenantes et des intérêts. »
– Luke, D. 2020. Mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine au cours des années 2020. IN Rapport sur l’avenir: faire fonctionner la ZLECAf pour les femmes et les jeunes.
Possibilités de participation des syndicats aux CNI de la ZLECAf
ÉTAPE 1: Comprendre le rôle des CNI. Les syndicats doivent être inclus dans les CNI de tous les pays dans le cadre du traité contraignant. Les syndicats peuvent renforcer les arguments en faveur des dispositions relatives au travail et du programme pour un travail décent en formant des coalitions avec des organisations de la société civile. Par exemple, le Réseau syndical africain pour la transformation économique (ATUNET) et le Réseau commercial africain (ATN), une coalition d’organisations de la société civile et de militants travaillant sur les questions commerciales et financières.
ÉTAPE 2: Demander à rejoindre le NIC. Contacter le ministère du commerce ou le secrétariat du NIC pour vous renseigner sur la structure du comité et la procédure de candidature. Voici quelques exemples de réussite à suivre :
- Le Congrès des syndicats de Namibie (TUCNA) a obtenu le statut de membre du CNI de son pays en 2024.
- L’Organisation centrale des syndicats (COTU-Kenya) a obtenu l’engagement du secrétaire d’État au commerce d’inclure les syndicats dans le CNI en 2024.
- La CESTRAR (Confédération des syndicats des travailleurs du Rwanda) a reçu une invitation du ministère du Commerce à rejoindre le comité directeur national de la ZLECAf en 2023.
- Le Congrès des syndicats du Ghana fait partie intégrante du NIC.
- Le Congrès du travail du Nigeria siège au NIC.
ÉTAPE 3: Comprendre l’examen de la mise en œuvre de la ZLECAf. Le Mécanisme d’examen de la mise en œuvre de la ZLECAf (AfIRM) établit les structures, les processus et les procédures permettant de suivre, d’évaluer et de partager les progrès et les résultats de la mise en œuvre de la ZLECAf. Les syndicats devraient constituer les principales parties prenantes de l’AfIRM annuel aux niveaux national et régional. Les points de vue sur la manière dont la ZLECAf répond aux droits du travail doivent être reflétés dans les rapports d’auto-évaluation des pays, les rapports d’évaluation de la conformité du Secrétariat, le rapport annuel d’évaluation de la conformité du Secrétaire général, les plans d’action de suivi et les sessions spéciales des hauts responsables du commerce.
ÉTAPE 4: Mobiliser les décideurs politiques et les gouvernements. Établir une communication formelle et cohérente avec les principaux ministères chargés du commerce, du travail et du développement économique. Des réunions régulières, des notes d’orientation et des documents de synthèse aident les syndicats à formuler des revendications fondées. En Ouganda, par exemple, les syndicats peuvent dialoguer avec le ministère du Commerce par l’intermédiaire du Conseil consultatif national du secteur commercial, qui définit les priorités nationales en matière de commerce et commande des études sur la mise en œuvre des politiques commerciales à différents niveaux. Au niveau régional, ils peuvent faire pression pour obtenir des sièges dans des instances telles que le Conseil sectoriel de la CAE sur le commerce, l’industrie, les finances et l’investissement, qui oriente le programme d’intégration dans ces secteurs. En Afrique du Sud, les syndicats participent au commerce par l’intermédiaire du Conseil national du développement économique et du travail (NEDLAC), la plateforme statutaire de dialogue social. Sous l’impulsion des syndicats, le NEDLAC a récemment commandé une étude sur l’inclusion de clauses sociales dans les accords commerciaux de l’Afrique du Sud.
ÉTAPE 5: Utilisez efficacement votre siège. Plaidez en faveur de politiques favorables aux travailleurs qui soutiennent la mise en œuvre de la ZLECAf, renforcent le dialogue social et contribuent au suivi des progrès, tout en tenant les gouvernements responsables de la réalisation de leurs engagements en matière de travail. En outre, les syndicats peuvent faciliter les programmes de développement des compétences et de formation afin de préparer les travailleurs aux nouvelles opportunités offertes par les marchés élargis de la ZLECAf.
INFOGRAPHIE DE LA CAMPAGNE: Cinq revendications syndicales pour la ZLECAF
Des victoires inspirantes en matière d’inclusion des NIC
En 2024, le plaidoyer syndical a abouti à deux victoires importantes en Namibie et au Kenya. Ces victoires montrent l’influence croissante des syndicats dans l’élaboration de la ZLECAf.
Namibie
Délégation de la CSL-Afrique, équipe du TUCNA et représentants du ministère de l’Industrialisation et du Commerce | Novembre 2024, Windhoek.
Le Congrès des syndicats de Namibie (TUCNA) a obtenu en novembre son inclusion dans le NIC namibien de la ZLECAf. Ce succès est le fruit d’un plaidoyer stratégique soutenu, avec le soutien essentiel de la CSI-Afrique et du Service de recherche sur le travail. Le TUCNA a estimé qu’il était essentiel de sensibiliser les responsables ministériels au mandat global des syndicats. Il a utilisé les conclusions d’une étude sur l’impact de la ZLECAf sur la main-d’œuvre namibienne pour renforcer son plaidoyer. Le TUCNA a également obtenu un siège au Forum commercial namibien et prévoit de donner à ses affiliés les moyens de s’engager et de participer à des forums commerciaux sectoriels.
« Ne partez pas du principe que les parties prenantes savent ce que vous faites. Commencez par les bases et informez-les jusqu’à ce qu’elles comprennent qui vous êtes et pourquoi elles doivent vous écouter. Cette approche s’est avérée efficace avec le ministère du Commerce, la Banque de Namibie et le ministère des Finances. Maintenant que la porte est ouverte, nous devons nous préparer à saisir cette occasion pour exercer notre influence. »
– Mahongora Kavihuha, secrétaire général de la TUCNA.
Kenya
Délégation de la CSL-Afrique, équipe du TUCNA et représentants du ministère des Investissements, du Commerce et de l’Industrie | Novembre 2024, Nairobi.
Kenya
En novembre 2024, l’Organisation centrale des syndicats (COTU-Kenya) a obtenu du secrétaire d’État au Commerce, à l’Investissement et à l’Industrie l’engagement d’inclure les syndicats dans leur NIC ZLECAf.
La COTU-Kenya s’est appuyée sur son expérience antérieure dans la négociation d’accords commerciaux internationaux, notamment l’accord de partenariat économique avec l’UE et l’AGOA. La COTU-Kenya continue de développer son expertise commerciale et de renforcer la solidarité transfrontalière afin d’accroître son influence.
« Le commerce concerne le capital et le travail. Nous ne pouvons pas vraiment parvenir à une croissance inclusive si les travailleurs sont laissés pour compte. Le protocole sur les femmes et les jeunes est un signal positif indiquant que personne ne doit être exclu. Cependant, pour garantir que les femmes actives dans le commerce puissent s’épanouir, il ne suffit pas de formuler des aspirations ambitieuses ; nous exigeons l’intégration de la dimension de genre et des engagements concrets. »
– Rose Omamo, membre du conseil d’administration de la COTU-Kenya et secrétaire générale adjointe de la CSI-Afrique.
RESSOURCE ESSENTIELLE: Boîte à outils pour l’engagement syndical dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf – Étapes pratiques pour les syndicats en matière de facilitation des échanges, de promotion des dispositions relatives au travail et de participation inclusive à la ZLECAf.
« La boîte à outils de la CSL-Afrique sur la ZLECAf constitue une ressource pratique pour les centres nationaux, les fédérations régionales, les fédérations syndicales internationales et les syndicats mondiaux. Nous devons saisir cette occasion pour exiger un commerce équitable, des dispositions sociales solides et des politiques de croissance inclusive. Travaillons ensemble pour des politiques commerciales qui garantissent la justice sociale, la dignité et l’équité pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses. »
– Joel Akhator Odigie, secrétaire général de la CSL-Afrique.
Source Source: ALREI, 2025, Boîte à outils pour l’engagement syndical dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf
RESSOURCES ESSENTIELLES
- Commerce, emploi et syndicats en Afrique: quelques options politiques
- Le plaidoyer syndical en faveur du commerce transfrontalier informel (CTFI) en Afrique
- Analyse d’impact de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) dans sa phase post-mise en œuvre (2021-2025): une perspective syndicale
- Guide du protocole de la ZLECAf sur le commerce des services
- Kenya Fiche d’information sur le commerce au Kenya
- Namibie Fiche d’information sur le commerce
Nelly Nyagah
Nelly Nyagah is the Head of Communications at Labour Research Service.