Recommandations pratiques pour renforcer l’influence et l’engagement des syndicats dans le cadre du protocole de la ZLECAf sur le commerce des services.
Le Protocole sur le commerce des services de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) vise à libéraliser le commerce des services sur le continent, offrant des perspectives d’augmentation des investissements, de création d’emplois et d’amélioration de la prestation de services. Toutefois, sans garanties solides, la libéralisation du commerce des services pourrait avoir des conséquences négatives pour les travailleurs du continent et leurs syndicats, telles que la précarité de l’emploi, la détérioration des conditions de travail et l’affaiblissement des droits du travail. Pour éviter ces conséquences imprévues, les syndicats doivent s’engager de manière proactive auprès des responsables nationaux et régionaux dans le cadre du Protocole sur le commerce des services. Pour soutenir cet engagement, le Labour Research Service a élaboré un Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf, qui simplifie le protocole et propose aux syndicats des moyens pratiques de garantir que le commerce des services conduise à des emplois décents en Afrique.
Importance du commerce des services en Afrique
Le Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf souligne l’importance du secteur des services en Afrique. Les services représentent environ 54 % du produit intérieur brut (PIB) et 75 % des investissements étrangers sur le continent. Au-delà de ces chiffres, le secteur soutient également la croissance des industries productives et à forte intensité de main-d’œuvre telles que l’agriculture et l’industrie manufacturière. Le secteur des services est une source majeure d’emplois pour les femmes et les jeunes, ce qui met en évidence son potentiel pour favoriser la participation économique inclusive et la transformation sociale à travers le continent.
Néanmoins, le commerce intra-africain des services est limité. Il représente 22 % du commerce à l’intérieur du continent et seulement 2 % du commerce mondial des services. En outre, le commerce des services en Afrique est inégalement réparti, l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est en représentant la majorité. Un autre défi réside dans la composition des exportations de services de l’Afrique, qui se concentrent principalement dans deux secteurs à faible niveau de qualification, le transport et le tourisme. Cette focalisation restreint la capacité du continent à se diversifier, à progresser dans la chaîne de valeur et à générer des opportunités d’emploi inclusives et de qualité.
Source: Syndicats et commerce: Guide du protocole de la ZLECAf sur le commerce des services, LRS
Modes de commerce des services
Le Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf décrit quatre modes clés par lesquels s’effectue le commerce des services :
- Fourniture transfrontalière: Cela se produit lorsqu’un service est fourni d’un pays à un autre sans déplacement de personnes. Le fournisseur de services et le consommateur restent tous deux dans leur pays respectif. Les télécommunications, les services en ligne et la livraison postale en sont des exemples courants.
- Consommation à l’étranger: ce mode implique que les consommateurs ou les entreprises se rendent dans un autre pays pour utiliser un service. Les exemples typiques incluent le tourisme, les services de santé et l’éducation internationale.
- Présence commerciale: dans ce cas, un prestataire de services établit une présence commerciale ou professionnelle dans un autre pays pour fournir des services, par exemple lorsque des banques, des chaînes de vente au détail ou des hôtels d’un pays ouvrent des succursales dans un autre.
- Mouvement des personnes physiques: il s’agit des personnes qui se rendent dans un autre pays pour y fournir temporairement des services, par exemple des travailleurs qualifiés, des consultants ou des professionnels.
Il est important de noter qu’avant la ZLECAf, ces modes de commerce des services en Afrique étaient régis par des lois nationales et des protocoles régionaux établis par les différentes CER. Une telle approche fragmentée a souvent fait obstacle au commerce des services, ce qui a rendu difficile l’exploitation de son potentiel sur l’ensemble du continent.
Objectifs et portée du protocole sur le commerce des services
Le Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf décrit les objectifs du Protocole, qui vise à établir un environnement réglementaire harmonisé pour le commerce des services à travers l’Afrique. Ses principaux objectifs sont 1) de libéraliser progressivement le commerce des services à travers l’Afrique, 2) d’accélérer le développement industriel et de soutenir la création de chaînes de valeur régionales, et 3) d’améliorer la compétitivité des services grâce à des économies d’échelle et une meilleure coordination. Pour atteindre ces objectifs, le Protocole donne la priorité à la libéralisation et aux engagements dans cinq secteurs clés des services:
- Services financiers – assurance, banque et autres services financiers essentiels à l’investissement et à la croissance des entreprises.
- Services aux entreprises – services professionnels (par exemple, juridiques, comptables), services TIC, recherche et développement, immobilier et services de crédit-bail.
- Services de communication – services postaux, de messagerie, de télécommunications et audiovisuels.
- Services de transport – transport maritime, aérien, ferroviaire, routier et par pipeline, ainsi que services de soutien. Une infrastructure de transport efficace est essentielle pour réduire les coûts commerciaux et relier les marchés.
- Services touristiques – hôtels, restauration, agences de voyage, voyagistes et services de guides touristiques – secteurs à fort potentiel d’emploi et d’entrepreneuriat pour les jeunes.
Pourquoi le protocole sur le commerce des services est-il important pour les travailleurs et les syndicats ?
Si les règles énoncées dans le protocole visent à faciliter le commerce et les investissements régionaux, elles présentent également des risques importants pour les marchés du travail. Il s’agit notamment d’une externalisation accrue et d’une insécurité croissante de l’emploi. Les entreprises peuvent délocaliser leurs activités vers des pays où la législation du travail est plus faible, où les travailleurs sont moins protégés ou où les salaires sont moins élevés, ce qui pourrait créer une « course vers le bas ». En outre, le Protocole pourrait contribuer à la fuite des cerveaux, car des professionnels qualifiés tels que des médecins, des ingénieurs et des informaticiens émigrent vers des pays africains plus riches à la recherche de meilleures opportunités. Ce mouvement risque de priver les économies moins développées de l’expertise essentielle nécessaire au développement local.
La mise en œuvre du Protocole sur le commerce des services implique des cycles successifs de négociations entre les États membres. Les syndicats ont la possibilité d’identifier les parties responsables de ces négociations dans leur pays, de les inciter à mieux comprendre le processus, de faire part de leurs préoccupations et de défendre les droits des travailleurs.
Recommandations clés
Face à ces défis, le Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf constitue un outil important pour les syndicats. Il identifie cinq stratégies clés que les syndicats peuvent adopter pour atténuer les impacts négatifs potentiels du Protocole sur l’emploi :
- Plaider pour le travail décent dans le secteur des services – La première recommandation est que les syndicats plaident pour le travail décent dans le commerce des services. Pour ce faire, il faut analyser l’indice de restrictivité du commerce des services (STRI), la base de données réglementaire utilisée pour identifier et répertorier les obstacles au commerce international des services, afin de déterminer les indices liés à la protection de l’emploi. Les syndicats peuvent ensuite faire campagne pour des réformes réglementaires qui renforcent les droits des travailleurs.
- Suivi de la mise en œuvre et des négociations – La deuxième recommandation encourage les syndicats à suivre activement la mise en œuvre du Protocole et à participer aux cycles successifs de négociations. Cet engagement proactif permettra aux syndicats de mener une action de sensibilisation éclairée visant à protéger et à faire progresser les droits et les intérêts des travailleurs.
- Construire des alliances locales et régionales – Troisièmement, le Guide exhorte les syndicats à forger des alliances locales et régionales. Une telle collaboration est essentielle pour identifier et défendre les politiques qui défendent les droits des travailleurs. En particulier, le Guide encourage la revitalisation et l’approfondissement de la coopération sous-régionale, notamment par le biais des réseaux existants au sein des Communautés économiques régionales (CER). En travaillant ensemble, les syndicats peuvent adopter une approche plus proactive et unifiée des campagnes.
- Sensibiliser les travailleurs des secteurs clés – Le guide appelle les syndicats à sensibiliser les travailleurs des secteurs clés des services, tels que les services aux entreprises, les communications, les transports et le tourisme, qui sont susceptibles d’être les plus touchés par le Protocole. Les syndicats doivent informer les travailleurs des défis potentiels, notamment en ce qui concerne les conditions d’emploi et la protection de leurs droits.
- Développer la capacité de suivi – Le guide recommande aux syndicats de renforcer leur capacité à suivre l’impact du Protocole sur la croissance économique et l’emploi. Cela permettrait d’obtenir des informations empiriques sur la répartition des avantages et sur les pays ou secteurs susceptibles d’être affectés. Ces données sont essentielles pour les syndicats qui cherchent à promouvoir et à protéger efficacement les droits des travailleurs du secteur des services.
Le Guide du Protocole sur le commerce des services de la ZLECAf est un précieux ajout au répertoire d’outils développés par LRS pour soutenir le plaidoyer syndical sur le commerce et la ZLECAf. Il simplifie les dispositions du Protocole sur le commerce des services, en mettant en évidence les quatre modes de commerce des services, les règles pertinentes et les secteurs de services susceptibles d’être les plus touchés par le Protocole. Il est important de noter que le Guide souligne les implications importantes du Protocole pour l’emploi et les droits du travail. Il appelle les syndicats à plaider en faveur du travail décent dans le commerce des services, à surveiller la mise en œuvre du Protocole et à établir des alliances qui garantissent que sa mise en œuvre ne porte pas atteinte aux droits des travailleurs.
Les Syndicats et le Commerce: Guide du Protocole de la ZLECAF sur le Commerce des Services
RESSOURCES CONNEXES
- Les Sindicats et le Commerce: Guide du protocole de la ZLECAf sur le commerce des marchandises
- Les Sindicats et le Commerce: Un guide de l’Accord commercial continental africain (ZLECAf)
Dr Prince Asafu‐Adjaye
Prince Asafu‐Adjaye is an Associate at the Labour Research Service with a PhD in Development Studies and a background in Applied Labour Economics and Sociology. His doctoral research focused on trade union responses to neoliberalism in Ghana. With 15 years of experience in trade union research and policy at the Trades Union Congress (Ghana), his interests include labour markets, labour market institutions, and industrial relations.