Entretien avec Marie Thiam Soumaré Continental Présidente du Réseau des femmes africaines de la ZLECAF et Secrétaire générale de l’Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal.
Comment votre expérience syndicale a-t-elle façonné votre plaidoyer en faveur des femmes dans le commerce?
J’ai commencé ma carrière dans le mouvement syndical en 1999, animée par une passion pour la promotion de la justice et de l’égalité des sexes sur le lieu de travail. En tant que secrétaire générale de l’Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal et membre du personnel de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), j’ai participé à des formations sur le commerce, qui ont mis en lumière le rôle des femmes dans le commerce et le développement économique, en particulier dans le secteur informel. Les femmes sont souvent négligées dans les discussions sur le commerce, malgré leur contribution aux petites, moyennes et microentreprises, qui jouent un rôle économique important. Pourtant, sans les travailleurs, il n’y aurait ni commerce ni gouvernement. Les syndicats ne se contentent pas de défendre les droits des travailleurs. Nous exigeons de participer aux négociations afin de parvenir à des accords commerciaux plus équilibrés et à une représentation des femmes dans les domaines du commerce, de l’investissement et de la transformation industrielle.
Les femmes syndicalistes peuvent-elles influer sur les accords commerciaux tels que le ZLECAf pour qu’ils intègrent la dimension de genre?
Les dirigeantes syndicales apportent une grande expérience et une profonde compréhension des défis auxquels sont confrontées les femmes dans le monde du travail. Nous soutenons des négociations équitables dans des environnements difficiles et nous nous concentrons sur l’organisation et l’autonomisation des femmes afin de rendre les syndicats plus pertinents et plus efficaces. Les syndicats jouent un rôle essentiel dans le suivi de la mise en œuvre de l’accord de la ZLECAf et dans la garantie d’un commerce inclusif. Les syndicats plaident pour des réformes politiques aux niveaux national et régional afin de soutenir l’inclusion des femmes et des jeunes dans la ZLECAf. Les femmes représentent 70 à 80 % des commerçants transfrontaliers informels en Afrique. Ces commerçants s’engagent dans le commerce de marchandises à petite échelle, contribuant ainsi à nos économies. Les PME ont des opportunités dans le cadre de la ZLECAf, mais elles ont besoin de solutions ciblées pour en bénéficier.
Comment faire en sorte que la ZLECAf soit différente pour les femmes dans le commerce?
Alors que le Protocole de la ZLECAF sur les femmes et les jeunes dans le commerce a des ambitions pour les femmes, les dispositions du protocole sont-elles différentes de celles bénéficiant à tout autre groupe? Cette question s’est posée lors du programme de renforcement des capacités et d’engagement de la CSI-Afrique et du Labour Research Service avec les acteurs de l’économie informelle, visant une position syndicale sur le secteur et le protocole ZLECAf sur les femmes et les jeunes.
« Le protocole est censé répondre aux défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’elles font du commerce transfrontalier. Il aidera les femmes à accéder à davantage de marchés, à améliorer leur compétitivité et à participer aux chaînes de valeur régionales dans le cadre de la ZLECAf. »
– Secrétariat de la ZLECAf.
Un protocole pour les femmes devrait cibler les femmes de l’économie informelle fragmentée et promouvoir un commerce inclusif, un marché du travail réglementé, et renforcer le soutien du gouvernement. Le commerce transfrontalier présente des défis uniques pour les femmes, et leur participation dans le cadre de la ZLECAf pourrait diminuer à mesure que l’accent est mis sur les exportations. Nous demandons un régime commercial ZLECAf simplifié pour les femmes et les jeunes dans le commerce transfrontalier informel. Nous avons besoin de solutions sur mesure pour engager les femmes et les mettre en contact avec les opportunités et les ressources.
Nous devons relever les défis systémiques et promouvoir des politiques inclusives pour libérer le potentiel des femmes et des jeunes afin de stimuler la croissance économique et le développement. Voici quelques mesures à prendre pour y parvenir :
Réforme des politiques: Plaider pour des changements aux niveaux national et régional afin de renforcer l’inclusion des femmes et des jeunes dans le commerce dans le cadre de la ZLECAf.
Renforcement des capacités: Mettre en œuvre des programmes qui améliorent les compétences des femmes et des jeunes entrepreneurs, en se concentrant sur les compétences liées au commerce, les connaissances financières et l’accès au marché.
Partenariats: Encourager la collaboration entre les gouvernements, le secteur privé et les organisations de la société civile, y compris les syndicats, afin de soutenir les objectifs du protocole de la ZLECAf sur les femmes et les jeunes dans le commerce.
Suivi et évaluation: Élaborer des systèmes complets de suivi et d’évaluation pour suivre les progrès réalisés dans le cadre d’initiatives visant à renforcer les capacités des femmes et des jeunes dans le domaine du commerce.
Instruments financiers: Créer des produits et des services financiers adaptés aux besoins spécifiques des femmes et des jeunes dans le domaine des affaires et du commerce.
Environnement favorable: Construire un environnement dans lequel les femmes et les jeunes peuvent participer activement et bénéficier des opportunités économiques créées par la ZLECAf.
Pouvez-vous donner un exemple d’initiative visant à garantir la participation des femmes à la ZLECAF?
Divers groupes plaident en faveur de la dynamique du genre dans le commerce et l’investissement. Je dirige le réseau des femmes africaines de la ZLECAf, lancé à Dakar en 2023, avec des comités dans quelques pays. Nous avons reconnu la nécessité pour les femmes de s’unir pour le plaidoyer de la ZLECAf. Le réseau vise à promouvoir les opportunités pour les femmes dans la ZLECAf, à renforcer les capacités et les réseaux, et à plaider pour des environnements commerciaux favorables dans le cadre de l’accord commercial continental. Les femmes commerçantes doivent comprendre les règles de la ZLECAf, notamment les réglementations en matière d’exportation et les règles d’origine. L’implication des femmes dans les syndicats au sein des comités nationaux du réseau est cruciale dans la recherche de mécanismes formels de dialogue social. Nous visons à établir des liens avec les ministères du commerce, qui jouent un rôle central dans la mise en œuvre de la ZLECAf dans les pays. Au Sénégal, nous avons participé à la formation ZLECAf organisée par le ministère du commerce. Ces liens sont importants pour garantir des politiques inclusives permettant aux femmes et aux jeunes de bénéficier de l’intégration dans le cadre de la ZLECAf.
Quelles sont les deux autres questions importantes qui vous préoccupent?
Le changement climatique et la violence et le harcèlement fondés sur le genre. Le changement climatique est un défi mondial qui affecte de manière disproportionnée les femmes, qui sont les premières à s’occuper des foyers. Nous avons besoin d’une position cohérente des travailleurs sur la transition juste. Nous avons besoin de réseaux de solidarité et d’alliances pour influencer les actions des gouvernements dans la lutte contre le changement climatique.
La violence sexiste dans le monde du travail est un obstacle majeur à l’avancement des femmes. Nous faisons pression pour la ratification de la Convention de l’OIT sur la violence et le harcèlement (C190) dans nos pays, car de nombreux pays africains ne l’ont pas encore adoptée. La C190 est utile pour protéger les femmes commerçantes, qui sont confrontées à la violence et au harcèlement fondés sur le sexe aux frontières et ailleurs. J’applaudis les syndicats qui se préoccupent de la violence liée au sexe et qui s’efforcent de l’éliminer.
Action de la Confédération syndicale internationale-Afrique (CSI-Afrique) à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes – novembre 2023, Kenya
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Nelly Nyagah
Nelly Nyagah is the Head of Communications at Labour Research Service.