La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) peut-elle donner aux jeunes, aux femmes et aux travailleurs du secteur informel de l’Afrique les moyens d’agir?
Une note politique de l’Institut africain de recherche et d’éducation sur le travail (ALREI) de la CSI-Afrique.
Points clés
- Malgré les avantages économiques potentiels pour les 1,3 milliard de personnes vivant en Afrique, l’accent est mis sur la manière dont les travailleurs, en particulier, bénéficieront de la ZLECAf.
- Il est nécessaire d’examiner les protocoles de la ZLECAf afin de comprendre les mesures visant à sauvegarder les intérêts des travailleurs.
- Les principaux protocoles de la ZLECAF portent sur le commerce des marchandises, le commerce des services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle, la concurrence, le règlement des différends, le transit et la coopération douanière.
- Les protocoles sur le travail sont essentiels pour promouvoir l’inclusion et l’équité sur le marché du travail.
- Les protocoles de travail peuvent atténuer les déplacements d’emplois potentiels résultant de la libéralisation du commerce.
- Les dispositions relatives au recyclage, aux transitions professionnelles et au soutien pendant les transitions économiques sont conformes aux principes du travail de l’OIT.
- Un protocole de travail complet au sein de la ZLECAf est essentiel pour répondre aux besoins des jeunes, des femmes et des travailleurs du secteur informel.
Introduction
L’Afrique représente aujourd’hui 17 % de la population mondiale, mais moins de 3 % du PIB mondial. Selon le rapport 2019 de la CNUCED sur le développement économique en Afrique, la part des exportations intra-africaines en pourcentage du total des exportations africaines est passée d’environ 10 % en 1995 à seulement 17 % en 2017, mais elle reste faible par rapport aux niveaux de l’Europe (69 %), de l’Asie (59 %) et de l’Amérique du Nord (31 %). En d’autres termes, il est plus coûteux de commercer entre pays africains qu’avec d’autres blocs économiques tels que l’Europe, l’Asie ou l’Amérique du Nord. Pour combler ce fossé commercial, l’Union africaine (UA) a lancé l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui constitue le plan directeur pour le développement de l’Afrique. Grâce à cet accord, la ZLECAf fournit une feuille de route pilotée par les membres pour parvenir à un développement durable et inclusif sur le continent africain.
Les avantages de la zone de libre-échange continentale africaine
La ZLECAf devrait notamment éliminer les barrières commerciales entre les membres, ce qui permettra aux entreprises de commercer plus facilement en Afrique et de bénéficier de son propre marché en expansion; introduire des mesures réglementaires telles que des normes sanitaires et éliminer les barrières non tarifaires au commerce; établir un marché libéralisé pour les biens et les services; faciliter les flux de capitaux; faciliter les investissements en créant un marché assez vaste; catalyser l’introduction de nouvelles technologies pour stimuler la productivité; accroître la compétitivité des économies des membres; promouvoir le développement industriel par la diversification; développer des systèmes de valeur ajoutée pour les produits; et établir, à l’avenir, un marché continental commune. La Banque mondiale estime que la ZLECAf augmentera les revenus de l Afrique de 450 milliards de dollars d ici 2035 et que les exportations intra-africaines augmenteront de plus de 81 %.
Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, cet accord commercial de marché unique permettra à l’économie africaine d’atteindre la barre des 29 000 milliards de dollars d’ici 2050. La question la plus importante reste cependant sans réponse. Comment les 1,3 milliard de personnes en Afrique, y compris les travailleurs africains, bénéficient-ils de ce pacte commercial? Quelles mesures existent pour sauvegarder les intérêts des travailleurs dans cet accord ? Pour percer ce mystère, il est nécessaire d’examiner les protocoles existants de la ZLECAF.
Les protocoles de la ZLECAf
La ZLECAf est structurée autour d’une série de protocoles et d’annexes qui décrivent des dispositions et des engagements spécifiques liés au commerce et à d’autres activités d’activités économiques. Les principaux protocoles de la ZLECAf sont actuellement les suivants: protocole sur le commerce des marchandises; commerce des services; investissement; droits de propriété intellectuelle; concurrence; règlement des différends; commerce numérique; protocole sur les femmes et les jeunes dans le commerce.
La nécessité de protocoles de travail pour les femmes, les jeunes et les travailleurs du secteur informel
Nairobi, Kenya – Des femmes militantes à l’atelier de la CSI Afrique sur les acteurs de l’économie informelle: Le cas des femmes et des jeunes et la ZLECAf (Novembre 2023)
Ces protocoles constituent un moyen efficace de promouvoir l’inclusion et l’équité sur le marché du travail. Les femmes, les jeunes et les travailleurs du secteur informel sont souvent confrontés à des défis et à des vulnérabilités spécifiques qui peuvent entraver leur pleine participation au marché du travail. Les protocoles de travail qui se concentrent sur ces groupes jouent un rôle essentiel en garantissant que les avantages du commerce et de l’intégration économique sont distribués plus équitablement, promouvant ainsi l’inclusion et aidant à rectifier les disparités historiques. En outre, ces protocoles sur le travail permettent aux groupes marginalisés de se prendre en charge en abordant leurs problèmes spécifiques liés à l’emploi. Les femmes et les jeunes constituent une part importante de la main-d’œuvre sur le continent, mais ils sont souvent sous-représentés dans l’emploi formel, où ils peuvent être confrontés à des inégalités salariales et à un accès limité aux possibilités d’avancement. Les travailleurs du secteur informel, quant à eux, sont souvent confrontés à l’insécurité de l’emploi et à l’absence de protection sociale.
Les protocoles de travail peuvent renforcer l’autonomie de ces groupes en abordant des questions fondamentales telles que les salaires équitables, l’amélioration des conditions de travail et l’accès aux mesures de protection sociale. En outre, les protocoles de travail au sein de la ZLECAF peuvent se concentrer sur le développement des compétences et la formation des femmes, des jeunes et des travailleurs du secteur informel.
Compte tenu de l’évolution de la nature du travail et des exigences du marché de l’emploi, il est essentiel de faciliter les programmes et les initiatives visant à améliorer les compétences et l’employabilité des travailleurs. Ces programmes peuvent ouvrir la voie à de meilleures possibilités d’emploi et favoriser une plus grande participation économique de ces groupes.
En outre, les protocoles protégeront les droits des travailleurs, en particulier dans les secteurs où les pratiques de travail informelles sont courantes. Cette protection englobe les questions liées aux niveaux de salaire minimum, aux heures de travail, aux normes de santé et de sécurité au travail, ainsi qu’au droit de s’organiser et de défendre leurs intérêts.
Les protocoles sur le travail conclus dans le cadre de la ZLECAf peuvent également soutenir l’esprit d’entreprise dans le secteur informel. Ce secteur comprend souvent des petits entrepreneurs et des travailleurs indépendants, et ces protocoles peuvent fournir le soutien et les incitations nécessaires à la transition de ces entrepreneurs vers le secteur formel. Cette transition peut les aider à accéder plus efficacement aux ressources et aux marchés essentiels, ce qui favorise la croissance et la stabilité économiques.
Enfin, les protocoles sur les femmes, les jeunes et les travailleurs du secteur informel joueront un rôle essentiel dans l’atténuation des déplacements potentiels de travailleurs liés à la libéralisation du commerce. Si la libéralisation du commerce apporte de nombreux avantages, elle peut parfois conduire à des déplacements d’emplois, en particulier dans certaines industries. Les protocoles sur le travail peuvent inclure des dispositions visant à répondre aux besoins des travailleurs déplacés, en leur offrant des possibilités de recyclage, de transition professionnelle et de soutien pendant les transitions économiques. Il est donc important d’élaborer un protocole de travail complet dans le cadre de la ZLECAF, qui s’aligne sur les principes de travail de l’OIT et qui prévoit les dispositions nécessaires pour les jeunes, les femmes et les travailleurs du secteur informel en Afrique.
Références
1. Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). (2019). Rapport sur le développement économique en Afrique.
2 Union africaine. (s.d.). La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Extrait de https://au.int/en/cfta
3 Banque mondiale. (n.d.). Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Tiré de
https://www.worldbank.org/en/region/afr/overview
4 Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. (n.d.). Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Extrait de https://www.uneca.org/afcfta
5 Organisation internationale du travail (OIT). (n.d.). Principes de l’OIT. Extrait de https://www.ilo.org/global/about the ilo/mission and objectives/WCMS_108539/lang en/index.htm
Crédit photo principal: KT Press RwandaVersion PDF de cet articleVersion PDF de cet article
12 recommandations pour garantir un travail décent aux femmes et aux jeunes dans la ZLECAf
Dr Hod Anyigba
Hod Anyigba est le directeur exécutif de l'Institut africain de recherche et d'éducation sur le travail (ALREI) de l'Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI Afrique).